CHAPITRE XXXVI
– J’étais en train de flotter, et j’ai pensé : « Voilà ce que c’est de mourir en Jedi, de s’effacer de l’existence comme mon grand-père. » (Avec un sourire penaud, Corran essuya le bacta qui dégoulinait sur ses joues.) Puis j’ai remarqué que j’avais toujours des sensations au niveau des mains et qu’on me portait. Ça ne semblait pas correspondre à l’état de pur esprit ! Comme je ne pouvais pas ouvrir les yeux, j’ai attendu que ça se passe.
Luke secoua la tête.
– C’est à ce moment que vous avez découvert que Ganner était revenu et vous faisait léviter au-dessus des rats des sables, puis hors de la coquille.
– Oui. Contre mes ordres, il a ordonné à Trista d’amener le Badinage plus près. Il a coupé le sommet de la coquille au laser, s’est accroché à la rampe de débarquement et m’a soulevé. S’il ne l’avait pas fait…
Mirax, l’épouse de Corran, lui tendit une robe de chambre de l’hôpital.
– S’il ne l’avait pas fait, il m’aurait eu aux trousses ! Heureusement qu’ils t’ont fourré dans une cuve bacta à bord du Badinage ! Sinon, ce venin t’aurait tué, sinon.
– Imagine leur surprise si ça n’avait pas marché, dit Corran. Ils me mettent dans le réservoir de bacta et en ressortent un tas de vêtements déchirés !
– Très drôle ! grogna Mirax.
– Moi, ça m’aurait amusé, riposta Corran.
– On dirait que les morts trouvent n’importe quoi distrayant !
Luke fit un signe à Mirax.
– Nous devons découvrir si ce qu’a dit le docteur Pace est vrai. Au sujet des Jedi qui se seraient approprié des artefacts… Je vous suis reconnaissant d’avoir enquêté pour moi.
– Je vous en prie, Maître Skywalker. Les objets que je vous ai apportés proviennent d’une époque antérieure à l’Empire. Le sentiment anti Jedi actuel a fait baisser les prix, alors que les artefacts impériaux sont montés en flèche. Les collectionneurs ont parfois des goûts bizarres…
– Faites-moi savoir ce que vous apprendrez à ce sujet. Luke ne doutait pas que certains Jedi soient un peu trop zélés dès qu’il s’agissait de relier l’Ordre actuel à celui que l’Empereur avait pratiquement détruit. Mais de là à voler des souvenirs aux gens…
– Même s’il est important de trouver des éléments qui améliorent notre connaissance des Jedi, le faire aux dépens de certaines personnes et de notre image est un prix trop élevé.
Corran ferma la ceinture de son peignoir.
– Pour eux, nous sommes des Jedi et ces reliques nous appartiennent. Je ne suis pas d’accord, mais je peux comprendre ce raisonnement.
– Je le comprends aussi, Corran, et je suis partagé… Pouvoir étudier ces artefacts serait important. En même temps, je ne suis pas sûr que nous ayons les ressources et les qualifications nécessaires pour en tirer le maximum. Pace et ses étudiants ont la formation ainsi que les compétences requises. Nous avons besoin de l’aide d’érudits. Donc nous devons nous assurer que les Jedi ne les considèrent pas comme des voleurs et des profanateurs.
Mirax éclata de rire.
– Si vous le pensez, ne trouvez-vous pas ironique que la mission de Bimmiel ait consisté à dérober des artefacts yuuzhan vong au nez et à la barbe des Yuuzhan Vong ?
– Cette idée m’est venue, Mirax, admit Luke en croisant les doigts. L’avertissement qu’ils ont laissé devant la base d’ExGal était composé d’un crâne et de machines cassées. On dirait qu’ils considèrent les deux comme un symbole de mort.
Corran se cala quelques oreillers derrière le dos.
– Je ne comprends pas leur technophobie. Ils sont capables de produire par des moyens biologiques des… créatures… qui remplacent nos machines. La seule différence, c’est qu’elles sont vivantes.
– Une différence importante, Corran. Par le passé, il y a peut-être eu une guerre entre des droïds et des Yuuzhan Vong… En tout état de cause, ils nous jugent mauvais parce que nous nous fions aux machines.
– Si c’est ça, ils auraient adoré voir Jens examiner la momie du Yuuzhan Vong avec un microscope et un détecteur ! Mais ce n’est pas ce qui me gêne le plus à leur sujet. Il y a le problème des esclaves. Ceux que nous avons vus ont probablement été capturés sur un monde de la Bordure. Je ne me souviens pas avoir vu les reptiloïdes dont vous nous avez parlé…
– Et il y a les six Yuuzhan Vong qui se sont infiltrés dans le camp, rappela Mirax. Je ne comprends pas pourquoi ils ont fait ça, alors que leurs troupes attaquaient…
– Peut-être ont-ils pris exemple sur Ganner : désobéir aux ordres pour se couvrir de gloire !
– Vous pensez que c’est pour ça que Ganner est revenu vous chercher ?
– En partie, oui.
– Et vous détestez lui devoir quelque chose, n’est-ce pas ?
– Ce n’est pas aussi grave que devoir quelque chose à Booster, mais ça m’irrite.
– Tu t’en remettras ! dit Mirax. Luke, pensez-vous que les Yuuzhan Vong cherchaient à ramasser des lauriers, ou qu’ils avaient une autre raison ?
– Vu la façon dont ils se sont battus, ce n’étaient pas des guerriers expérimentés. Malgré ça, ils ont tué un Noghri, ce qui n’est pas un mince exploit. L’autopsie a révélé peu de tatouages, de scarifications ou de fractures, à l’inverse des autres spécimens que nous avons. Soit ils sont partis de leur propre chef, soit on leur a confié cette mission…
– Il y a un truc qui m’échappe, dit Corran. Les râteliers où ils avaient attaché les étudiants et celui que vous avez décrit pour Jacen étaient destinés à infliger de la douleur. Nous avons vu des Yuuzhan Vong assassiner les esclaves sans pitié, pour le plaisir. Et pourtant… Les cicatrices, les tatouages, les os brisés… J’ai peut-être un a priori en sortant d’une cuve bacta, mais à mon sens, la douleur et l’amusement ne vont pas de pair.
– Tuer les esclaves n’est peut-être pas un amusement pour les Vong. Seulement un passe-temps que quelques-uns apprécient… Nous savons que certains Jedi aiment utiliser la Force davantage que d’autres. Quant aux tatouages et aux scarifications, ce sont peut-être les emblèmes d’un rang élevé…
Mirax leva une main.
– Mon métier consistant à faire le commerce d’articles culturellement significatifs, je peux dire que ces signes restent souvent externes. Les scarifications et les tatouages entérinent cette hypothèse, mais les os brisés ? Surtout quand ils détruisent la symétrie… Ça ne me paraît pas coller.
Luke haussa les épaules.
– Ça n’a pas besoin de « coller » pour nous, seulement pour eux. La douleur, les cicatrices et le reste ont peut-être un sens important dans leur culture. Qu’ils disposent de créatures-râteliers capables d’infliger la douleur avec tant de précision va dans ce sens. J’ignore si vous l’avez remarqué sur Bimmiel, mais sur Belkadan, le râtelier où était attaché Jacen était assez grand pour un guerrier yuuzhan vong.
– Effectivement…, dit Corran.
– Leurs attaques sur Dubrillion et Dantooine semblaient destinées à nous tester et à entraîner leurs soldats. Ils sont intelligents et déterminés. Leia m’a rapporté l’opinion de Lando sur la différence entre la première et la deuxième vague : la deuxième était plus aguerrie et plus efficace. S’il en va de même pour la troisième…
– Je n’ai pas beaucoup aimé la deuxième vague. L’idée d’une troisième ne m’enchante pas du tout !
– Moi non plus, admit Luke. Mais imaginer qu’ils abandonneront maintenant est idiot.
– Je sais. Et je ferai ce qu’il faut. Il est bon de savoir que la Nouvelle République nous soutiendra, cette fois !
– Je suis d’accord, Corran. Et, pour le bien de notre galaxie, j’espère que ça suffira !